dimanche 23 septembre 2012

Observations quant au projet d’accroissement de la porcherie de la Sanguinette

LETTRE OUVERTE À MADAME LE PRÉFET DE L’AVEYRON

Une autorisation d’accroître la porcherie de la Sanguinette jusqu’à 2996 places, pour une “production annuelle envisagée” de 8000 porcs, dans la commune de Causse-et-Diège, ayant été demandée par le groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC) du Cassan, nous nous permettons de vous communiquer quelques observations.


• La rétention d’informations

L’enquête, la population ne pouvait la deviner. L’annonce légale de l’enquête, peu vue, fut très peu lue. Alors, de-ci de-là, si nous n’avions découvert, de manière indirecte, l’avis d’enquête; si quelques autres habitants n’avaient pris sur leur temps, pour lire la documentation en mairie et informer à l’entour: l’enquête “publique” serait passée largement inaperçue.

Faire débuter l’enquête un 27 août, soit en pleine rentrée, quand nombre d’habitants, en résidence secondaire, étaient sur le départ; et quand il n’était loisible à d’autres habitants qui demeuraient, mais point maîtres de leurs heures de travail, les jours ouvrables, de consulter la documentation ou de rencontrer le commissaire-enquêteur: ceci laisse dubitatif.

On n’a pas contribué, en préfecture, à diffuser via l’Internet des documents d’importance, comme le Plan d’épandage, en arguant que la mise en ligne du plan d’épandage “serait de toute façon techniquement difficile, chaque plan couleur pesant très lourd en ko. Cela empêcherait l’internaute d’ouvrir correctement le document.” En 2012, par chez nous, ça prêtait au rire. D’une part, parce que ce n’étaient pas les connexions à haut débit qui manquaient. D’autre part, ce n’eût guère été compliqué de fournir une page qui fût accessible via une connexion à bas débit, et nous en créâmes une nous-mêmes, à défaut de bonne volonté ou de compétence en préfecture.


• Une dévalorisation du patrimoine

Il est inquiétant de comprendre le peu de cas qu’on fait de notre patrimoine, lorsque nous lisons que “les sites remarquables les plus proches sont localisés à plus de 2,8 km du projet, à vol d’oiseau.” C’est révoltant, car mensonger ou le propos de quelqu’un qui ne sait voir. Aussi, dans l’espoir d’un regard impartial, nous vous invitons, madame le préfet, à venir contempler nos sites remarquables, outre la campagne caussenarde, nos vieilles et jolies demeures des dix-huitième et dix-neuvième siècles, qu’avec patience nous restaurons depuis des années.

En outre, la grotte préhistorique de Foissac, site remarquable incontestable, ne se trouve pas à plus de 2,8 kilomètres, mais, de l’aveu même des porteurs du projet, à 340 mètres d’une parcelle d’épandage de lisier, qui fait partie du projet.

Or, ne pourrions-nous consolider les murs ancestraux qui nous abritent, bâtir et obtenir que nos sites soient classés, serait-ce une raison de ne pas remarquer l’être humain, tout bonnement?

Il est somme toute aberrant d’exprimer que nous vivons dans une zone naturelle d’intérêt, et, à la fois, que ce n’est pas remarquable. C’est ôter toute valeur au propos, une argutie sens dessus dessous.


• Les contes du bien-être animal et de la tradition

Tandis, qu’autrefois, les porcs paissaient les glands sous la chênaie, avoir réduit des porcs à “disposer”, pendant toute la période d’engraissement, d’au moins 0,69 mètres carrés sur caillebotis, c’est-à-dire dessus leurs urines et leurs matières fécales, et prétendre que cela participe du “bien-être” animal, est un conte pour enfant auquel un enfant même ne croirait pas, si on lui laissait voir une “case” de 12 bêtes, et leur abattage au sortir de là.

Autre conte: qu’une entreprise concentre et engraisse les porcs sur des caillebotis, qui ne diffèrent guère dans un autre département; puis que la viande soit étiquetée, par exemple, “porc de l’Aveyron”, “une viande issue d’une région de tradition”: n’est-ce pas piétiner le caillebotis, tromper le chaland?

Sur ces entrefaites, que le président de la Chambre d’agriculture affirme qu’on ne “travaille pas de façon intensive” en Aveyron, c’est: ou un déni de la réalité et du projet, ou une méconnaissance stupéfiante. N’est-ce aberrant que Jacques Molières juge que le projet “tient la route sur le plan technique”, alors qu’il n’est “évidemment pas au fait de tout le dossier technique”?! à en croire Le Villefranchois.


• Une pollution actuelle ignorée

Quelle valeur a une “expertise hydrogéologique”, dont les exploitants de la grotte préhistorique de Foissac n’ont pas été informés? Quelle valeur a une étude d’impact? dont il est flagrant qu’elle n’a pas remarqué, dans la grotte, la pollution par des matières organiques — du lisier ou du purin, nous ne savons le déterminer, ni d’où cela vient. Il conviendrait à ce propos d’être prudent avec toute théorie de circulation des eaux souterraines, étant arrivé qu’une eau colorée, en guise de test, sorte ailleurs que prévu: le parcours de l’eau sous le Causse n’est pas maîtrisé. Nous disons qu’il conviendrait d’autant plus d’être prudent que la direction des écoulements souterrains, théorisée dans le Rapport d’expertise hydrogéologique, étant si grossière, il serait fort présomptueux d’y trouver des garanties. Vu que l’effet des crues n’a pas été analysé, non plus que leur impact particulier dans la grotte préhistorique de Foissac; outre l’absence de connaissance de la pollution d’eaux souterraines et superficielles par les résidus des traitements médicamenteux des porcs; et l’absence d’étude d’impact sur la faune et la flore en zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique: tout cela est inadmissible.

Partant, quelle valeur a l’avis favorable rendu par un directeur régional au nom du préfet de la région Midi-Pyrénées, basé sur une étude d’impact insuffisante?

Puisqu’il y a d’ores et déjà pollution dans la grotte préhistorique de Foissac — pourquoi? ou bien l’étude hydrogéologique n’est pas crédible; ou bien, un ou plusieurs agriculteurs, n’ayant pas respecté les consignes d’épandage, seraient indignes de confiance; ou bien on a, à la fois, l’invraisemblance de l’étude, et l’absence de vraies bornes à l’épandage?

Là-dessus, que le fournisseur du déchet dise prêter attention aux épandages des preneurs du lisier, ça ne vient plus constituer une garantie suffisante. Parler de “bonnes pratiques d’épandage”, de “respect des prescriptions d’épandage”, nous n’entendons pas que ce soit faire une obligation de les respecter aux preneurs de lisier.


• L’augmentation de risques

Qu’il y ait déjà pollution d’eaux, le Rapport d’expertise hydrogéologique le reconnaît indirectement: “il conviendra d’être très attentif à toute pratique qui risquerait d’accroître la pollution”.

Ainsi, tandis que la pollution affecte d’ores et déjà des eaux, l’accroissement jusqu’à 4098 mètres cubes du volume de lisier à épandre (c’est plus qu’un doublement du volume actuel), augmente le risque de pollution ponctuelle.

N’est-il point fallacieux et aberrant de considérer les surfaces du Causse et de Pisse Pau figurant dans le projet d’épandage, comme une aire d’alimentation de “la source non captée de la Viguerie”? (c’est nous qui soulignons). Fallacieux parce que, à la Viguerie, nous captons et utilisons en partie ces eaux, via d’anciens puits et un forage récent, pour l’arrosage, l’alimentation en eau des animaux et notre confort; ces eaux alimentant ensuite le ruisseau, qui verse dans la Diège. Aberrant, parce que Pisse Pau est fort pentu, ce qui ajoute un risque de ruissellement dans la vallée sèche de la Viguerie, au risque d’infiltration dans le bassin versant souterrain; et puisque des eaux qui reviendraient en surface polluées par le lisier (de l’aveu même de l’hydrogéologue, la “circulation dans le sous-sol ne permet pas une bonne épuration bactériologique et chimique des eaux”), il nous faudrait les dépolluer. Qui paierait?

Par ailleurs, les porteurs du projet considèrent que le captage souterrain, ayant approvisionné d’eau Salles-Courbatiès, n’est plus utilisé en 2012. C’est inexact. À présent, le captage n’est pas définitivement stoppé. Le serait-il, devrait-on risquer pour autant une pollution accrue de l’aire de captage? De quel droit un décideur, maintenant, restreindrait l’adduction d’eau potable des générations futures?


• L’augmentation de nuisances

– Du trafic. Il “va augmenter par rapport à la situation actuelle.” “799 trajets dont 513 pour l’épandage” du lisier, au lieu de 465 trajets annuels, cela nuirait forcément davantage au voisinage. Qui paierait les frais supplémentaires de voirie?

– De la pestilence. Le confort – et par suite, la valeur – des habitations (deux notamment, les plus voisines de la porcherie), déjà atteintes par des effluves nauséabonds, diminuerait encore si le volume de lisier produit, stocké dans deux grandes fosses extérieures non couvertes, transporté et épandu sur 322,40 hectares, était accru. La prolifération des mouches n’est-elle pas à craindre?

– Une amélioration de la santé?! De qui? Avant de prétendre qu’accroître la porcherie amènera “une amélioration de la situation” actuelle, ne serait-il pas plus convaincant d’améliorer d’abord cette situation?


• Un bénéfice économique douteux

Si l’on juge légitime d’accroître une porcherie industrielle pour qu’elle demeure bénéficiaire, quelles bornes ne dépassera-t-on pas demain? Aujourd’hui, un accroissement de la production jusqu’à 8000 porcs par an est envisagé. Bientôt, en faudra-t-il 16000? puis 32000? et toujours l’accepter pour ne pas être accusé de mettre en péril la filière porcine? À partir de quel chiffre millénaire ôtera-t-on les œillères et considérera-t-on que c’est trop pour l’environnement, qu’on risque de nuire ou, plus que de risquer, qu’on nuit déjà au bon accueil des touristes, des locataires, des promeneurs du dimanche, et au confort des habitants à demeure, par la pestilence, le trafic, &c

Une “embauche supplémentaire”, ou “pérenniser” seulement “un emploi équivalent temps-plein” (le nombre d’employé(s) nécessaire(s) pour produire 8000 porcs n’est pas clair), cela justifie-t-il de mettre en péril les nombreux emplois et les revenus importants du tourisme, les locations de gîtes?… Cela justifie-t-il de risquer une augmentation du coût de l’eau, quand elle serait davantage souillée?


Bref, il nous semble que l’étude d’impact du projet d’accroissement de la porcherie est, ou fallacieuse, ou très insuffisante, en dépit de la fragilité et de la richesse de l’environnement caussenard.

Merci beaucoup, madame le préfet, pour votre attention à ces observations.


Le dimanche 23 septembre 2012,

DES HABITANTS DE LA VIGUERIE