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mardi 5 novembre 2013

Où la clarté est une question d’addition que l’État ne fait pas


“Il
[le requérant au tribunal administratif de Toulouse] fait état, par ailleurs, dans le paragraphe 9 de la requête, d’une forte participation du public, ce qui est exact, mais l’affirmation d’une opposition claire au projet est fausse, diverses positions s’étant exprimées durant l’enquête publique comme le rappelle le commissaire enquêteur dans son rapport page 18 et 19 et ses conclusions (pièce n° 9). On peut noter que sur le registre d’enquête 25 observations étaient favorables au projet contre 19 défavorables, 23 courriers favorables (dont 9 d’élus, associations ou collectifs), 10 courriers neutres contre 90 défavorables (dont 11 d’élus, d’associations ou collectifs). Le requérant ne présente pas les faits de manière objective et proportionnée.”
Préfecture de l’Aveyron, direction de la coordination des actions et des moyens de l’État, Mémoire en défense en date du 31 juillet 2013, p. 3, § 5.

Le 30 avril 2013, l’association France Nature Environnement Midi-Pyrénées, ainsi que le comité de spéléologie régional Midi-Pyrénées, ont recouru au tribunal administratif de Toulouse, y demandant l’annulation de l’arrêté du préfet de l’Aveyron ayant, le 14 mars, autorisé l’accroissement de la porcherie sur caillebotis, à la Sanguinette de Causse-et-Diège.

En réponse à ce recours, l’État a ainsi soutenu le 31 juillet que “l’affirmation d’une opposition claire au projet [d’accroissement] est fausse”, et ce disant, l’État a uniquement pris en compte des observations figurant dans le registre du commissaire-enquêteur, et des courriers qui y furent joints. Sont notamment écartés du dénombrement par l’État: les pétitions, et les habitants ayant manifesté à Loupiac le 10 novembre 2012.

Soit, tenons-nous-en aux petits nombres que l’État a mis en avant auprès du tribunal. Remarquons cependant ceci: que l’État admette qu’il y eut une forte participation, cela paraît pour le moins étrange, tandis qu’il ne se réfère qu’à de petits nombres.

Et comptons plus démocratiquement que l’État ne le fait lorsqu’il s’agit de lui; comptons aussi les avis, qui, selon le classement du commissaire-enquêteur, ont été “neutres”. Soit, 25 + 23 = 48 avis favorables au projet d’accroissement, puis 19 + 90 = 109 contre, et 10 neutres. On obtient le résultat de 65% des avis exprimés qui sont contre le projet d’accroissement. Ou, si l’on compte comme a coutume de le faire l’État, lors des élections: 48 avis favorables, face à 109 contre, on obtient 69% d’opposition.

Alors, il serait “faux” d’affirmer “une opposition claire au projet”?!!




vendredi 4 octobre 2013

FAMILIAL n’est pas l’antonyme d’INDUSTRIEL



Comment légitimer une organisation industrielle de la production de matière animale?

S’il est un concept qui, bizarrement, a servi à la justification de l’industrie porcine, en France, auprès du public qui n’eût été averti, c’est le concept de la “famille” — en omettant que l’industrialisation et l’intensification de l’engraissement des porcs, avec un fort accourcissement du cycle de production de la matière animale, ont provoqué la concentration de l’activité par quelques familles, tandis que disparaissaient des élevages familiaux (comme je l’ai figuré dans l’article précédent).

À la crainte du public que l’accroissement d’une installation industrielle nuise à l’environnement, crainte que rapportait un commissaire-enquêteur en octobre 2012, il était particulièrement répondu:
“Une production industrielle est pour nous issue de groupes industriels avec des capitaux apportés par des groupes industriels et sous tutelle de ceux-ci.
La taille des élevages en France n’a rien de comparable avec celle que l’on trouve dans les autres grands pays industrialisés. Par exemple aux USA, ce sont des groupes qui détiennent les élevages constitués de centaines de milliers de truies. En Europe, notamment à l’est mais aussi en Espagne, la taille des élevages se compte en milliers de truies par site, alors qu’en France, les élevages se comptent plutôt en centaines de truies.”
Une remarque à ce stade — on pourrait en faire plusieurs, entre autres sur la définition de ce qu’est une “production industrielle”, mais une remarque suffira: des MILLIERS, ou carrément des CENTAINES DE MILLIERS de “truies”, sont opposés à des CENTAINES de “truies”. Bien qu’il ne s’agisse pas de truies dans l’installation hors-sol alors en question, mais de “porcs charcutiers”: 2.996 places de dits “porcs charcutiers”, pour une production annuelle envisagée de 7.980 “porcs charcutiers”. Mais reprenons le fil de la réponse, en lui laissant ce qu’elle a de répétitif:
“En règle générale, la production française et tout particulièrement celle de Midi-Pyrénées est faite sur le modèle familial. La volonté de la profession est de le privilégier.
Cependant, il faut que cette taille familiale permette de s’adapter aux conditions de demain, aux mises aux normes, et garanties de sécurité et de traçabilité et tout cela au meilleur prix de vente possible. Notre élevage est un modèle familial car géré par des éleveurs d’une même famille et financé par un emprunt bancaire cautionné par nous-mêmes.
Nous ne sommes pas affiliés en tutelle de groupes industriels. Nous sommes libres de travailler avec les partenaires locaux que nous choisissons et restons libres d’en changer.
Ainsi il n’y a pas de crainte à avoir sur un aspect "industriel" de notre projet. De plus, l’objectif du projet n’est pas de dégrader le bien-être des habitants mais au contraire de concilier activité agricole et vie rurale.”
Seconde remarque: si nourrir un être vivant hors-sol est une activité AGRICOLE, entendons bien: une activité relative à l’art de cultiver la terre, alors, soyons logique, le restaurateur qui me nourrit en ville est également un agriculteur. Soit une définition très large de ce qu’est l’agriculture, après une définition très restreinte de ce qu’est l’industrie.
“De plus, le risque que le site devienne une friche industrielle est plus grand si le projet n’est pas réalisé.”
Plouf! Ce qui était jusqu’ici évident est brouillé. L’aspect industriel n’est plus seulement aux USA, en Europe de l’est et en Espagne; il risque d’apparaître en France.
“En effet, actuellement, nous avons remis en service une partie des bâtiments existants et nous réalisons l’entretien du site dans sa globalité malgré la présence des bâtiments vétustes non utilisés.”
Au moins, on ne peut plus douter que l’activité agricole familiale se pratique ici dans des bâtiments. Et voilà qui est dit: si l’accroissement au sein de cet ensemble familial n’est pas réalisé, il risquera davantage de devenir une friche industrielle. FAMILIAL n’est donc pas l’antonyme d’INDUSTRIEL, puisque, pour risquer de devenir une friche industrielle, il faut bien, n’est-ce pas? qu’une installation soit d’abord industrielle.

Maintenant, remontons un peu plus dans le temps, et lisons ceci:
Le “fait que l’élevage des porcs soit en France majoritairement effectué dans le cadre d’exploitations "familiales", ou de "taille familiale", ou à salariat réduit, ne signifie nullement qu’il ne soit pas effectué de manière industrielle, c’est-à-dire, selon des procédés automatisés permettant d’élever ensemble une plus ou moins grande quantité d’animaux dans un espace restreint.
Le constat selon lequel les élevages, en Amérique, portent sur des quantités d’animaux bien plus importantes, n’apparaît pas justifier que des procédés industriels ne soient pas utilisés à moindre échelle en France.”
Voilà ce qu’exprime, entre autres, une décision du jury de déontologie publicitaire, publiée le 23 février 2011, à propos d’un message publicitaire radiodiffusé du centre d’information des viandes, que voici:
“Sandrine Quétier: On entend parfois parler d’élevage industriel pour les porcs, Christelle, vous qui êtes éleveuse, est-ce que c’est vrai?
Christelle: Non Sandrine! ma ferme ce n’est pas une usine! Moi j’élève mes cochons avec mon mari, mon frère et bientôt notre fils. Vous voyez bien, c’est un élevage familial comme partout en France.
S. Q.: Alors vous êtes en train de nous dire que les éleveurs de porcs sont comme des artisans?
C.: Absolument! En France les élevages de porcs appartiennent encore aux agriculteurs, ce qui n’est plus le cas malheureusement dans beaucoup de pays. Tenez, chez moi j’ai 180 truies, c’est grosso-modo la moyenne française, alors qu’en Amérique, on trouve souvent des élevages de plus de 20.000 truies, rien à voir avec chez nous!
S. Q.: Merci Christelle, ça valait le coup de le dire! En France l’élevage des porcs est à taille humaine.”
Remarquons qu’entre 2010 et 2012, l’épouvantail des élevages en Amérique a énormément grossi, passant de PLUS DE 20.000 à des CENTAINES DE MILLIERS de “truies” (à ce rythme, l’épouvantail devrait compter des millions de truies en 2014). Revenons au message.

Le jury de déontologie a considéré “qu’il existe une inadéquation entre la question "On entend parfois parler d’élevage industriel pour les porcs, Christelle, vous qui êtes éleveuse, est-ce que c’est vrai?" et la réponse "Ma ferme ce n’est pas une usine! Moi j’élève mes cochons avec mon mari et bientôt notre fils. Vous voyez bien, c’est un élevage familial comme partout en France" […]. Le message, par les termes qu’il utilise, entretient une confusion entre la structure de l’élevage et son mode d’exercice.”

En suite de quoi, le jury de déontologie demanda au directeur général de l’autorité de régulation professionnelle de la publicité, de prendre les mesures nécessaires à la cessation de la diffusion de ce message, qui faisait partie d’une campagne publicitaire “menée avec le soutien du ministère en charge de l’agriculture et de l’alimentation, dont l’ambition était notamment “de combattre certaines idées fausses

vendredi 20 septembre 2013

Ce n’eût été que paroles de députée et de président…


Un seuil, à partir duquel une autorisation de l’État est nécessaire pour concentrer davantage de porcs hors-sol, passerait de 450 à 2.000 places de porcs. Cette perspective, présentée notamment par France Nature Environnement ou le journaliste Éric Conan, va à l’encontre de propos autrefois tenus par des personnalités.

C’est ainsi que
Marylise Lebranchu (actuellement ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique), estimait, lorsqu’elle était députée du Finistère, que le relèvement du “seuil d’autorisation des élevages porcins de 450 à 2.000 places […] serait un recul considérable en matière d’environnement”.

Et
Jean-Yves Le Drian (qui est aujourd’hui ministre de la défense), considérait, alors qu’il présidait le conseil régional de Bretagne, que viser à “dispenser de demande d’autorisation préalable les plus grosses exploitations porcines”, est “démagogique et dangereux”: “l’histoire nous a démontré que le volume ne fait pas le revenu, que la concentration ne résout rien.”

Voilà des paroles. Mais avec l’acte du gouvernement, où sera la cohérence?

S’il l’est encore nécessaire, malheureusement, l’association Eau & rivières de Bretagne rappelle que “la concentration des élevages porcins détruit l’emploi”, alors que “la production de viande porcine continue de progresser en Bretagne”.