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lundi 12 septembre 2016

VÉRIFIEZ, ou quand la pub vous dit de la venir voir

Imaginez que vous vous mettiez à considérer que, jusqu’alors, vous ne saviez trop ce que vous feriez. C’était tellement, mais tellement difficile de choisir… Puis, hop! il est arrivé. Il ne vous a point dit de l’aimer, non non. Sur son front était écrit: «J’❤︎», tout simplement. Ce j’aime, vous l’avez lu, et ce faisant vous vous êtes dit: «J’aime!» tilt! tout s’est éclairé! Vous l’avez choisi, enfin! vous avez commencé à vivre, pleinement! Puis «Blabla… tu sais quoi?» vous empressâtes-vous de narrer aux amis, «j’aime, J’AIME!» Et ceux-ci, un tant soit peu superficiels, répondirent unanimement: «On est vraiment très, très heureux pour toi! Nos plus sincères félicitations!» C’est-à-dire que vous aurez craqué pour un emballage, et aurez commencé à vivre avec l’emballé. Seulement, qu’était-ce que l’emballé?

«Venez vérifier», propose Fleury Michon, «la filière charcuterie J’aime, de l’élevage des porcs jusqu’à l’élaboration du jambon». [1] Ne vous méprenez pas, toutefois. Car est-ce que, dans le langage de Fleury Michon, «venez vérifier» signifie: venez regarder ce qu’il y a derrière notre écran publicitaire?

Vérifier (au sens de «s’assurer si une chose est telle qu’elle doit être» [2]), c’est ce que j’ai essayé… Voyons ensemble. Sur les images, ci-dessous, les porcs dont la queue est visible l’ont raccourcie. Étrangement. Puisqu’une NORME MINIMALE pour la protection des porcs — ce n’est pas la publicité de Fleury Michon qui nous l’apprend, mais la loi — impose clairement que «la section partielle de la queue et la réduction des coins ne peuvent être réalisées sur une base de routine, mais uniquement lorsqu’il existe des preuves que des blessures causées aux mamelles des truies ou aux oreilles ou aux queues d’autres porcs ont eu lieu. Avant d’exécuter ces procédures, d’autres mesures doivent être prises afin de prévenir la caudophagie et d’autres vices, en tenant compte du milieu de vie et des taux de charge. Pour cette raison, les conditions d’ambiance ou les systèmes de conduite des élevages doivent être modifiés s’ils ne sont pas appropriés». [3]


Pour vérifier la raison de cet étrange raccourcissement des queues, et aussi parce que Fleury Michon proposait également d’échanger, je lui demandai donc, via Facebook et Twitter, le 25 juin 2016, ce que faisait Fleury Michon pour le respect des NORMES MINIMALES pour la protection des porcs, interdisant la section partielle de la queue sur une base de routine, photos de l’étrangeté à l’appui, issues de son propre site web publicitaire, sur lequel Fleury Michon nous demandait de vérifier.

La réponse la plus précise que j’aie obtenue, le 30 juin, quant à la caudectomie, est celle-ci: «Suppression des pratiques ne contribuant pas au bien-être», à savoir, entre parenthèses, la caudectomie et l’émoussage des dents. Mais un tweet précédent, ce 30 juin, donnait à comprendre que ces pratiques n’étaient pas révolues; qu’elles le seraient d’ici à 4 ans. [4] Toujours étrange, n’est-ce pas? Puisque les NORMES MINIMALES sont censées être respectées, non d’ici à 4 ans, mais depuis longtemps. [3] Alors, je demandai à Fleury Michon, le 13 juillet via Facebook (image ci-contre) et Twitter, combien d’exploitations porcines de sa filière «J’aime», sur combien au total, respectaient l’interdiction de la section partielle de la queue sur une base de routine; question qui demeure, en ce jour de septembre où je rédige cet article, sans la moindre réponse. Et pour cause?

«Notre cahier des charges est confidentiel»
 Fleury Michon, le 30 juin 2016.

À la demande, le 7 juin via Twitter, du cahier des charges de sa filière «J’aime», Fleury Michon avait répondu au Collectif PLEIN AIR, le 30 juin, que ce cahier des charges était «confidentiel». Ah bon!?

Ainsi, Fleury Michon incite le public à venir vérifier sa filière «J’aime», mais refuse de communiquer son cahier des charges: tout un chacun est donc cantonné devant l’écran publicitaire interposé entre lui et la réalité de «l’élevage des porcs» et, dès lors, ne peut strictement rien vérifier. Il peut certes croire, ou non, en la véracité de l’écran de Fleury Michon.

Néanmoins Fleury Michon avait affirmé, le 30 juin via Twitter, rester «à dispo pour échanger»; puis de nouveau le 13 juillet via Facebook.

J’insistai donc pour vérifier réellement ce qu’est «l’élevage des porcs» au sein de la filière «J’aime». Je posai les trois questions suivantes, fort simples, et d’autant plus simplissimes à comprendre que le «bien-être animal» était réputé être «au cœur» des actions de Fleury Michon. Évidemment, lorsqu’on est attaché à un réel «bien-être», l’on sait à quel point lui est contraire l’irrespect des NORMES MINIMALES pour la protection des porcs.
  1. Combien de truies sur combien au total, la filière «J’aime» de Fleury Michon ne détient jamais de leur vie en cage?
  2. Combien de porcs sur combien au total à l’engrais, cette même filière a-t-elle sur paille?
  3. Combien de porcs sur combien au total à l’engrais, cette filière a-t-elle sur caillebotis intégral?
Figurez-vous que, pour commencer à vérifier, j’attends toujours la réponse… Quel dommage! J’eusse volontiers accepté de vérifier que «le bien-être animal» était «au cœur» des «actions» de Fleury Michon! [5] J’eusse tant aimé — la possibilité du bien-être impliquant, ce qui serait le minimum au sens du bien-être, cet «état du corps ou de l’esprit dans lequel on sent qu’on est bien» [6] — que les truies ne fussent sélectionnées pour produire toujours plus et bloquées, périodiquement, chacune dans une cage, et qu’on ne leur demandât à toutes, exploitées telles une bande de machines synchronisées, de produire, «déclenchées» pour mettre bas, à peu près en même temps; que les porcelets ne fussent sevrés si tôt, dès trois ou quatre semaines (ce qui, du reste, eût permis de réduire notablement l’usage d’antibiotiques, dont certains considérés comme «critiques»); que la plupart des porcs ne fussent casés petitement, sur un caillebotis inconfortable, au-dessus de leurs excréments; et cætera. J’eusse tellement apprécié l’absence de conditions propices au mal-être! À moins que ce ne fût possible au sein de «la filière charcuterie J’aime» de Fleury Michon? Que le prétendu “bien-être”, sur l’écran publicitaire, fût du welfarewashing ou, pour le dire en français, du BIEN-ÊTRE-DE-FAÇADE?


Références


[2] Le Nouveau Littré.

[3] Annexe I, chapitre I, point 8, interdisant la section routinière de la queue des porcs, de la directive 2008/120/CE du Conseil du 18 décembre 2008, établissant les normes minimales relatives à la protection des porcs (version codifiée). Cette interdiction, ainsi que l’obligation que les porcs aient «un accès permanent à une quantité suffisante de matériaux permettant des activités de recherche et de manipulation suffisantes», étaient déjà faites par la directive 2001/93/CE de la Commission du 9 novembre 2001, dont la date limite de transposition en droit national était le 1er janvier 2003.

[4] Ce que confirmait la réponse de Fleury Michon, via Facebook, le 13 juillet, Fleury Michon affirmant la «suppression de la caudectomie et de l’émoussage des dents» comme l’un de ses «engagements pour 2020».


[6] Le Nouveau Littré.

samedi 23 janvier 2016

La politique de la crise porcine

La “crise porcine” est un problème verbal. L’industrie porcine ne crise pas (sic). Elle surproduit; et ce, ordinairement. Cela ne marque pas une rupture avec son entreprise d’hier. Puissions-nous donner à écrire l’Histoire de la surproduction industrielle de matières animales à une truie de cage rescapée de l’abattoir, elle aurait une tonalité extrêmement misérable, en fait de “progrès” et de “conquête de marchés”. Une truie surproduit grâce à la génétique, et des truies qui surproduisent sont multipliées, tandis que le nombre d’ouvriers (qu’on appelle encore agriculteurs quoiqu’ils n’en soient pas dans les usines, y conditionnant, c’est-à-dire confinant, mutilant, médicamentant…), est réduit sans cesse grâce à l’automatisation et à la concentration de la surproduction. Le patron est satisfait: il a moins d’employés à rémunérer et plus de minerai porcin à vendre, à un prix plus concurrentiel que les usines moindres de ses concurrents. Jusqu’au jour où il perd, lorsque l’un ou l’autre de ses concurrents ont concentré davantage la surproduction d’autrui, exploité plus durement, détruit plus d’emplois d’ouvriers, et vendu moins cher du minerai porcin mieux “valorisé” par de trompeuses publicités. Tantôt l’un des patrons perd, tantôt l’autre. La plupart, ayant mis les pieds dans ce jeu d’argent, s’enfoncent dans la course au “moderne” gigantisme et ne cessent, ce faisant, de détruire des emplois, de gâcher des vies, de polluer l’environnement, tout en paraissant respecter à peu près la loi — qu’ils font largement. Cependant les contribuables sont contraints de financer des usines à gaz pour pérenniser un tel système et réduire un peu, en aval, la pollution et ses effets néfastes à la santé. Que les animaux aient une “vie” misérable dans les usines, que les ouvriers y soient usés, appauvris, ruinés, en soient privés d’emploi, tout ceci est non la crise, mais l’effet ordinaire de l’entreprise. Justement parce qu’il n’y a guère de patron qui crise vraiment (sic) et crée la rupture avec ce modèle débile, non pas de développement, mais de sous-développement. Des orateurs détournent l’attention: “C’est la faute de l’embargo russe!” Demain, n’en doutez pas, ce sera faute d’exportations destinées à la Lune!


jeudi 24 décembre 2015

Ce qui est juste et nécessaire - Conte



Robin des Pouorcs avait trépassé depuis fort longtemps. Porméo, lui, n’était pas mort, contrairement à ce qu’écrivit Shakesporc récemment, et Truiliette non plus; ils ne se voyaient plus, point c’est tout. Et Porméo, oscillant, à la lecture de la presse à gros tirages, entre des pleurs de rire et des pleurs de pitié, survivait tant bien que mal, face à un système de “vie” biocide qui n’en finissait pas de taper dans le mur.

Combien de fois n’avait-il, avec des évadés des Caillebotis-sur-Lisier, refait le monde chez Dédé, autour d’un bon pichet d’eau sans pesticides ni sulfites ni plastique, d’un goût unique! S’étaient-ils moqués du martèlement publicitaire qui trompait le peuple des cavernes quant à la façon d’obtenir les produits que celui-ci consommait!

La permaculture avait procuré à Porméo joie et abondance. Mais maintenant, les aléas climatiques, leur violence, étaient devenus tels que tout était plus difficile. Le premier ministre, se donnant l’air de différer franchement de tous ses prédécesseurs, s’obstinait pourtant à ne changer de cap, quand même il n’était plus possible de trouver de nouveaux débouchés aux productions industrielles en Chine, en Inde et en Afrique, tant le monde était repu, ou alors insolvable et le ventre désespérément creux…

La “nouvelle” solution voulue par la CMOA, le syndicat tout puissant des deux derniers éleveurs du pays, consistait à accroître les peuplements de la Lune et de Mars, et y exporter la surproduction à coups de subventions. Nombre d’économistes se relayaient dans les médias de masse afin de prouver que la croissance reviendrait: cette fois, les contribuables obligés sauveraient pour de bon les éleveurs de la patrie!

Hier, ceux-ci avaient déversé sur la chaussée des milliers de porcs qui étaient morts de chaud dans leurs usines “familiales” et “locales” sous “signes de qualité”. Cet acte de stupide colère faisait aujourd’hui la une de La Toile, journal réputé de “gauche” et “critique” du pouvoir. Porméo riait à gorge déployée devant tant de connerie; puis il avait honte, comme d’avoir ri qu’on se moquât du monde.

La presse spécialisée, telle Le MAG du BON ÉLEVEUR PORCIN, littéralement, l’écœurait. Il constatait que la vie des truies n’avait de cesse d’être plus diabolique et raccourcie au nom des sacro-saintes règles de la productivité et de la compétitivité, dont l’application polluait et endettait l’humanité sous le couvert du respect de la loi.

Depuis un mois, Porméo abritait une Caillebotesse évadée de cage. Il savait qu’il encourait, à cause de cela, une condamnation pour “délit de solidarité”. Qu’à cela ne tienne! Jésus n’avait-il prêché de s’aimer les uns les autres?! Rien n’était plus juste et nécessaire que cela!


Note de l’éditeur


Robin des Pouorcs, dont il est brièvement question au début de ce récit, était un hors-la-loi célèbre en son temps, qui s’ingéniait à sauver des Caillebotesses et Cailleboteux de l’enfer industriel. Un système de production intensif dont Robin représentait d’ignobles aspects, vus de l’intérieur pour l’essentiel, dans un conte théâtral, Les Douze Petits Cochons. Robin offrait en outre, à qui voulait, la parodie de La Montagne neuve de Monteyronnais, afin de démontrer l’absurdité du système, cette fois d’un point de vue essentiellement extérieur.

dimanche 16 août 2015

Surproduction porcine: l’impôt finance LA CRISE SANS FIN

On ne reviendra pas ici en détail sur l’étrange subvention à la surproduction porcine qui dure depuis des années.

Sur ce, pourquoi payer plus cher la production des Caillebotis-sur-Lisier, qui demeure surabondante aux frais des contribuables? Il est juste logique qu’une COOPÉRATIVE de producteurs, la Cooperl, refuse de leur acheter le porc à moins bas prix, soit 1,40 euro le kilo de minerai — pardon, le kilo de viande de feu un vivant doué anonymement de sensibilité. Simplement parce que la Cooperl, dit-elle, n’a “pas vocation à financer un cours politique, pour tenir la tête hors de l’eau à une partie de la production française” [1]. Quoique l’impôt ait financé la Cooperl (135.000€ de-ci, 650.000€ de-là…) [2]. L’impôt sert surtout à mettre dans l’eau la tête de cette même partie de la production française. Encore que “la tête” soit un raccourci trop aimable, vu que des producteurs, moins nombreux chaque année, continuent d’aller dans le mur: c’est, pense-t-on, qu’il n’y a guère de chef pour leur éviter l’impact, et aux animaux une exploitation toujours plus industrialisée, autant dire une maltraitance qui ne fut jamais pire, quoiqu’elle s’accomplisse aujourd’hui sous le couvert de normes. Voyez donc Une “vie” de cochon.

Or quelle est la nouvelle option afin de continuer à projeter les surproducteurs contre le mur de LA CRISE SANS FIN?

L’option nouvelle, la voici. Elle est proposée par de “grands groupes de production” incitant, en Espagne, à “la transformation des installations de naissage-engraissement en sites de production de porcelets”. Entendez: des surproducteurs sont incités à se spécialiser davantage. À en croire, du moins, Antonio Tavares. Il préside le groupe de travail “viande porcine” du COPA-COGECA [3]. À ce titre, il est censé connaître de quoi il parle. Selon lui, un “élevage de 1.000 truies” naisseur-engraisseur, se spécialisant dans la production de porcelets, “peut recevoir 2.000 truies sans investissement dans le bâtiment et donc” sans avoir besoin de solliciter une autorisation d’agrandissement.

Mais qui, dès lors, engraisse les porcelets? Ceux-ci sont confiés à des agriculteurs, signant, nous dit Antonio Tavares, “des contrats d’intégration qui leur permettent d’investir dans des bâtiments.”

Et qui finance? “3.000 places d’engraissement coûtent 600.000€; LE PLAN DE DÉVELOPPEMENT RURAL permet d’espérer jusqu’à 50% de SUBVENTION, voire 60% pour les jeunes, dans les zones défavorisées”, poursuit Antonio Tavares.

Puis qu’obtenons-nous, ainsi, à la campagne? “3.000 places permettent d’engraisser 9.000 porcs/an, payés 10€/porc selon les termes du contrat”. Soit, de nouvelles usines d’animaux, où l’ouvrier y reçoit la matière animale, l’aliment, le mode d’emploi… Fichtre, quel dépérissement — en guise de développement rural — du savoir-faire AGRIcole!!

Cela n’empêche Antonio Tavares de considérer: ce “système est très simple et très efficace, il rassure les financiers. C’est sur ce modèle particulièrement rentable que l’Espagne a augmenté sa production et sa compétitivité.” [4]

Ouf! la belle affaire lorsqu’on a, grâce aux contribuables, la tête hors de l’eau! (des surproducteurs espagnols ayant, souvenons-nous, cette année encore, fortement sollicité des aides au stockage privé de la viande). Surproduire toujours plus, financé par l’impôt, revient donc à devoir exporter davantage, c’est-à-dire à aggraver au passage l’écart concurrentiel entre, par exemple, des surproductions françaises et des surproductions espagnoles.

Cela s’accomplit au nom même du libéralisme (c’est-à-dire de la LIBERTÉ d’entreprendre opposée à l’INTERVENTION de l’État), bien que soit sous-jacent l’exact contraire: la réduction de la liberté d’entreprendre (différemment au sein du processus d’accroissement de la surproduction industrielle), et la collectivisation des pertes (de marchés) et des coûts collatéraux (environnementaux, sociaux, et sanitaires).

Bref, très simplement et très efficacement, pour le profit de financiers, l’impôt finance LA CRISE SANS FIN. On n’a pas fini de nous pousser à manger du porc espagnol français industriel.


Références

[1] Le Monde, Une "table ronde" pour éviter une nouvelle crise dans la filière porcine, août 2015.

[2] Le Télégramme, Subventions. 135.000 EUR du Conseil régional pour la COOPERL Arc Atlantique, juin 2013. Et Libération, Les écologistes votent contre une subvention à la Cooperl, juillet 2010.

[3] Comité des organisations professionnelles agricoles, et comité général de la coopération agricole, au sein de l’Union européenne.

[4] PORC magazine, juillet-août 2015, n° 500, “En débat à l’assemblée générale de Prestor – Quelles perspectives pour le porc breton en Europe?”, pages 32 et 33.

lundi 13 juillet 2015

Le porc, pourquoi pas de MONTAGNE?

Connaissez-vous une industrie qui veuille pérenniser mais ne montrer son outil de travail aux consommateurs? son caillebotis sur du lisier, par exemple, sur lequel sont concentrés des milliers de porcs? non? Et connaissez-vous des garants de l’opacité, voulue par cette industrie? soit l’État, et la Commission européenne? non plus? Vous ignorez donc comment vous est vendu, en apparence, non de la viande de porc de caillebotis, mais du “porc de montagne”? Alors, s’il vous en dit d’être moins dupe à l’avenir, lisez cet article. (Nota bene: les cas exposés dans cet article sont présentés de façon anonyme, parce qu’il s’agit de dénoncer, non des exploitants pris dans un système, mais la tromperie du public développée par ce système.)


Si des industriels porcins abusent de masques, par exemple du mot montagne et de ce qu’il évoque au consommateur non averti, c’est qu’ils en ont le droit. Des portions d’un territoire départemental, en effet, malgré leur altitude inférieure à 700 mètres, sans une rudesse du climat qui raccourcirait la période de végétation, et sans une forte pente qui empêcherait ou rendrait plus onéreuse la mécanisation, furent pourtant classées par l’État comme des «zones défavorisées de montagne», ce qui ouvrit aux agro-industriels “montagnards” un droit à des aides financières beaucoup plus importantes, et une possibilité de vendre le produit comme venant de la montagne.

Nous avions d’abord découvert que des abattoirs jouissaient abusivement d’un classement en «zone de montagne». Tels, l’abattoir au chef-lieu d’un canton, à environ 179 mètres d’altitude; ou celui près le chef-lieu d’un département, à environ 537 mètres d’altitude. Abusivement, car, dans ces locaux industriels, il n’y a pas davantage de climat montagnard que de forte pente qui y rendraient difficile l’abattage des animaux.

Aussi, nous nous doutions que tel abattoir, prétendument montagnard, était alimenté en porcs de caillebotis, bien que ces caillebotis ne fussent, non plus, montagnards. Or nous n’avions aucune preuve formelle que du caillebotis, installé dans tel département — et ne différant guère du caillebotis d’un autre département — pouvait être considéré comme un terroir montagnard. La toute première preuve nous fut apportée par la demande d’autorisation d’un producteur, pour l’extension de sa porcherie industrielle: il indiquait expressément produire tous ses porcs sur du caillebotis, duquel les porcs n’étaient destinés à sortir que pour être abattus, après quoi une partie serait commercialisée en tant que «porc de montagne». Un service de l’État, dit autorité environnementale, ayant pourtant relevé qu’il s’agissait de «caillebotis intégral en béton», ne se formalisait pas que le béton pût être vendu en tant que terroir montagnard. Alors nous pûmes déduire que si l’autorité ne se formalisait pas de l’amalgame, c’est qu’il était tellement habituel qu’il n’était pas question, pour l’autorité, de remarquer l’abus… que tout un chacun devrait deviner sans problème?


La majeure partie de l’alimentation des porcs de caillebotis, non plus, n’a d’origine montagnarde. Il suffit de lire, dans des dossiers de demande d’autorisation, de quelle chimie les porcs de caillebotis sont précisément nourris; de lire entre les lignes, dans telle question posée à la Commission européenne, l’opposition d’industriels porcins à ce que l’alimentation des porcs de caillebotis “montagnards” provienne au moins à moitié de la montagne: parce qu’il serait simplement impossible que le sol montagnard, le vrai quand même additionné du faux, produise ne serait-ce que la moitié de l’alimentation nécessaire aux producteurs intensifs de porcs sur caillebotis. La supercherie était menacée. Mais la menace tomba vite. Le commissaire européen Dacian Cioloș proposa d’abaisser à 25% la part de l’alimentation qui viendrait effectivement de la montagne, dans le but, devenu si flou! d’informer le consommateur de la caractéristique prétendument montagnarde du produit soi-disant montagnard. Des industriels avaient fixé les moyens de l’exploitation, et veillaient à ce que personne ne contrariât leur «valorisation».

Voilà donc comment du porc de caillebotis est devenu du «porc de montagne». C’est-à-dire, voilà comment des concentrations industrielles, la destruction, par centaines de milliers, d’emplois d’éleveurs qu’ont causé depuis plus de quatre décennies, en France, ces concentrations sans fin de porcs enfermés au-dessus de leurs excréments, leur impact délétère sur la santé des animaux, sur l’environnement, la santé humaine et les finances publiques, ont été masqués joliment au chaland, entre autres par le mot publicitaire montagne et ce qu’il évoque, avec la permission de l’État et la complaisance de l’Union européenne.

Il faudrait n’avoir de cesse de remarquer qu’une telle opacité ne sert les mieux-faisants qualitativement, par exemple l’éleveur donnant vraiment à ses porcs une vie en plein air. Qu’une telle opacité française peut ruiner des savoir-faire familiaux étrangers, où de la matière porcine produite intensivement en France est exportée. Car les mots inappropriés de la mercatique, en nous permettant d’imaginer que lorsque nous achetons les productions animales de masse que ces mots recouvrent, nous favorisons ce qu’ils évoquent, peuvent nous faire ruiner précisément ce qu’ils évoquent, comme l’élevage familial mieux-faisant, près de chez soi.

Les consommateurs ont-ils le choix? Jocelyne Porcher remarquait en 2009 que «ni les consommateurs ni les animaux ne disent merci aux travailleurs des porcheries, bien au contraire. […] Les consommateurs n’ont clairement pas le choix. La consommation ne peut donc être perçue par les éleveurs comme un acte concret de reconnaissance du travail, comme cela peut être le cas pour des éleveurs bio.»* Mais si nous tombions les masques? Car, aussi absurdes que soient les masques d’industriels porcins pour l’intérêt général, il nous appartient de contribuer à ce déplorable carnaval, ou NON. Les masques tiennent, tant que nous le voulons bien.




SOURCES

– Témoignages d’élus, ainsi que de personnels de l’État.
– Dossiers de demande, au préfet, d’autorisation d’accroissement de production sur caillebotis.
– Avis d’autorité environnementale.
– Association nationale des élus de montagne (ANEM), ainsi que Légifrance, quant au classement «zone de montagne».
– Institut national de l’information géographique et forestière (IGN), quant aux altitudes et aux pentes.


RÉFÉRENCE

* Jocelyne Porcher, «Le challenge des Cochons d’Or. Un pilier défensif et un maître étalon de la filière porcine industrielle», Économie rurale, 313-314, septembre-décembre 2009, mis en ligne le 5 décembre 2011.


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lundi 29 juin 2015

Le masque LOCAL de l’industriel porcin

D’aucuns emploient des mots qui ont beau ne refléter une réalité, ces mots ont l’intérêt de la rendre acceptable voire louable auprès d’interlocuteurs crédules, ou qui acceptent de suivre la règle du jeu de la mercatique. Des mots tels qu’éleveur, local et proximité. Nous allons exposer ce que ces mots ne veulent pas dire. (Nota bene: le cas exposé dans cet article est présenté de façon anonyme, parce qu’il s’agit de dénoncer, non des exploitants pris dans un système, mais la tromperie du public développée par ce système.)


«La Région […] ne compte désormais plus que 600 éleveurs de porcs qui ne parviennent à produire que la moitié des besoins des transformateurs locaux […]. Cette situation de déficit par manque de production de proximité conduit à fragiliser toute la filière porcine régionale»

Voilà des propos d’un avocat, évoquant assez confusément le nombre amoindri:

— de producteurs industriels de matière porcine, dont est un GAEC (groupement agricole d’exploitation en commun, avec ses deux sites de production distants, leurs milliers annuels de porcs de caillebotis, et leur aliment dont la fabrication est gérée par informatique et la distribution automatisée [1]);

— et d’éleveurs de porcs les pieds sur terre, en plein air.

L’avocat ne remarque pas que sa confusion, masquant les concentrations industrielles, défavorise l’emploi d’éleveurs de porcs les pieds sur terre, en plein air. C’est étrange, parce qu’il semble déplorer, pourtant, le nombre amoindri d’éleveurs au sein d’une région.

Un tel raisonnement serait surprenant, s’il n’était éculé: puisque la demande de viande de porc, nous explique l’avocat, est supérieure à l’offre locale, cela fragilise le producteur local. C’est–à-dire que l’industriel vend tout son porc, mais, fragilisé de vendre tout son porc, il veut que la quantité à vendre, déjà fragilisante, soit plus conséquente.

La production de proximité est insuffisante, dit l’avocat. C’est-à-dire, voyez-vous ça? les voisins en redemandent! C’est une idée! C’est même plus qu’une idée. Cela participe d’une tactique médiatique, occultant, auprès du public qui ne consacre son temps à lire les dossiers proposés à la consultation, l’aspect industriel d’une production, avec des éléments de langage autrement évocateurs, comme petit, exceptionnel (voyez l’article Où le mot PETIT masque GRAND, et EXCEPTIONNEL le CAILLEBOTIS), famille (voyez FAMILIAL n’est pas l’antonyme d’INDUSTRIEL), ou encore éleveur, local, et proximité.

Les caractères génétiques, des porcs produits industriellement par le GAEC en question, ne semblent absolument pas locaux: ils seraient plutôt liés au programme d’auto-renouvellement de la Pig Improvement Company (PIC), et à des verrats FH Master 16. [2] Cela n’a rien d’étonnant. «En production porcine, la spécialisation des races conduit à la quasi-disparition des races dites locales et à une standardisation de la production». En 2010, «les souches industrielles, propriété des entreprises de sélection, et les races dites “classiques” utilisées pour la sélection», auraient représenté «99,85% du cheptel» français de truies. [3]

Le premier site naisseur et engraisseur, ainsi que le second site engraisseur, appartenant à l’industrie porcine en question, sont distants de près de 43 kilomètres.

Les tourteaux de colza et de tournesol, dont seraient alimentés les porcs de caillebotis du second site engraisseur, proviendraient des huileries SAIPOL, une filiale de Lesieur [4]; ce n’est guère plus local. Quant au reste de l’alimentation dont ont besoin des milliers annuels de porcs de caillebotis, il est permis de douter que la terre locale, malgré l’industrie agricole qui y est en cours, la produise à elle seule.

Local veut pourtant dire: «Qui appartient à un lieu»; et proximité: «Voisinage d’une chose à l’égard d’une autre» (Le Nouveau Littré). Voyons-y. Si la plupart des riverains se sont opposés à l’accroissement de la production de porcs de caillebotis en un lieu, ce doit être probablement parce qu’ils jugent inutile cette production de proximité.

L’avocat semble néanmoins confondre deux parties, en prenant le désir de la première pour une demande de la seconde: l’industriel porcin qui voudrait perdre sa fragilité en vendant plus de milliers de porcs aux voisins; et la plupart des riverains qui ne veulent pas davantage de porcs de caillebotis pour voisins, et donc dans leur assiette, si tant est qu’ils aient et qu’ils sachent avoir quelquefois de la viande des porcs du caillebotis local dans leur assiette, puisque l’étiquetage est si “informant” qu’il n’a pas un mot, PAS UN SEUL, pour désigner le caillebotis où que ce soit en France. Un voisin du caillebotis masqué localement, ne peut donc demander au supermarché: «Puis-je racheter de ce merveilleux porc de caillebotis masqué, s’il vous plaît?»

Il lui aura fallu rouler plusieurs kilomètres, pour trouver un premier magasin où des produits industriels sont amplement vendus. Car ce qui est local sous la plume de l’avocat est, dans la réalité, sans étalon local. Le voisinage, pour lequel le producteur dit pourtant produire, ne pourrait manger ses milliers de porcs de caillebotis annuels. Ou bien, absorberait-il ces quantités à indigérer des ogres, en crèverait-il. Ce qui ne serait pas sans arranger l’industriel, le débarrassant du même coup de ses voisins très bêtement opposés à l’accroissement de son altruiste production de proximité, de très recherchés porcs — de caillebotis masqué. Avec guère de voisins, soit guère d’acheteurs voisins, ne devrait-il en découler la pérennité de l’industrie porcine locale? (la fragilité venant, paraît-il, est-il besoin de le rappeler? de vendre tous ses porcs — de caillebotis masqué — fort appréciés des voisins).

Les porcs ne sont pas, non plus, abattus localement. Il n’y a aucun abattoir proche du caillebotis, et les porcs ne seraient pas descendus à l’abattoir le moins éloigné, à savoir un abattoir soi-disant “montagnard” (peut-être parce qu’il serait trop difficile de descendre des tonnes de porc de caillebotis vers la “montagne” de complaisance la plus proche). Les industriels porcins ont eu exprimé vaguement que les porcs sont abattus au chef-lieu du département. [5] Voyons: les porcs seraient dès lors transportés sur près de 66,8 kilomètres, pour être abattus à l’abattoir de leur groupement de producteurs, dans une zone industrielle “montagnarde”. Bref, l’abattage ne serait pas local, mais quelques “montagnes” bidon plus loin.

Donc, si nous ne mangeons guère localement le porc de caillebotis masqué, et si, non plus, on n’abat localement le porc de caillebotis masqué, qu’y fait-on ouvertement? Le porc de caillebotis y est-il ramené pour y être transformé? Dans l’affirmative, cela monterait le trajet local, depuis le départ du site naisseur, à près de 176 kilomètres; et, dans l’affirmative encore, le voisinage s’opposerait ainsi à son propre emploi en refusant l’extension des caillebotis masqués!!? Que le monde serait fou, décidément! si le voisinage était salaisonnier ou charcutier! Or, non, ni charcutier ni salaisonnier voisin des caillebotis masqués. Les industries destinataires seraient plus loin: Unetelle [6] sur la zone industrielle près de l’abattoir “montagnard” le moins éloigné mais qui, on l’a dit, n’abat nullement les porcs en question. Soit, pour ce seul exemple, un trajet du site naisseur vers le second site engraisseur, puis vers l’abattoir, puis vers le transformateur industriel, de près de 175 kilomètres. Auquel il faut ajouter notamment le transport de la marchandise vers les lieux de vente, et d’un lieu de vente jusque chez le consommateur, en somme des CENTAINES DE KILOMÈTRES au minimum, car la production d’un transformateur industriel n’est pas essentiellement destinée à être consommée localement.

Il a semblé vain de chercher auprès des industriels porcins la mesure complète de leurs “localité” et “proximité”, soit les destinations de leur production. Leur prise de parole lors d’un conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST), signifiait plus vaguement encore une participation «à l’activité des filières locales, des abattoirs locaux, des salaisonniers». [7]

À se demander pourquoi ce genre d’exploitation, fragilisée par la vente de tout son porc à proximité, eut sa «petite taille» vantée, pour vendre des tonnes de jambon, en des langues étrangères aux locaux!? «The small scale of the units», «Dank der geringen Größe der Zuchtbetriebe», «飼育規模が小さいこと»[8] Ainsi, local paraît pour le moins devenu, au fil de la route parcourue par des milliers de porcs ou leur viande, synonyme de mondial; proximité, d’éloignement; et avocat — d’un tel méli-mélo — je vous le laisse à penser…

Reste que l’État s’est satisfait de la confusion, lui qui classa «zone défavorisée de montagne» du plat caillebotis (environnement certes très pauvre), ainsi que l’abattoir industriel (labeur certes éprouvant).

Le masque serait drôle, s’il ne recouvrait tant de tragiques intérieurs.


RÉFÉRENCES

[1] Presse spécialisée; Résumé non technique produit par un groupement de producteurs, dans le cadre d’une demande d’autorisation d’accroissement de production hors-sol; et rapport d’un commissaire-enquêteur.

[2] Presse spécialisée.

[3] Jocelyne Porcher et Tiphaine Schmitt, «Les vaches collaborent-elles au travail?», Revue du MAUSS, 2010/1, n° 35, pages 235-261.

[4] Rapport d’un commissaire-enquêteur.

[5] Idem.

[6] Idem.

[7] Compte-rendu officiel d’un CODERST.

[8] Publicité via l’Internet, 2014.


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dimanche 25 janvier 2015

PUB TROMPEUSE 1 – CONTRÔLE 0

Voici la suite de notre article Où le mot PETIT masque GRAND, et EXCEPTIONNEL le CAILLEBOTIS.

En France, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) est censée veiller à la composition et à l’étiquetage des produits alimentaires. “En matière de produits sous signes de qualité et de l’origine, elle exerce un contrôle de ces produits sur le marché pour en vérifier la conformité et VÉRIFIE LA LOYAUTÉ DE LA COMMUNICATION RÉALISÉE” [1]. Ah bon?

Contactée par le Collectif PLEIN AIR, la DGCCRF estime que le consortium du “Jambon de Bayonne” regroupe “des structures de production modestes et des structures plus importantes”. Pour autant, la publicité vantant “la petite taille des élevages” ne paraît pas déranger la DGCCRF, qui, en outre, justifie ainsi l’usage de la mention de “conditions d’élevage exceptionnelles”: le cahier des charges “impose des critères de sélection”. Et la DGCCRF de donner en guise d’exemple: des “carcasses d’animaux nourris durant l’engraissement avec un aliment concernant au moins 60% de céréales, issues et pois avec un minimum de 50% de céréales et issues de céréales” (sic) [2].

Sauf que, n’est-ce pas franchement étrange de confondre l’aliment — dont le critère est assez vague, au demeurant, — avec l’ensemble “des conditions d’élevage exceptionnelles”? Non, si nous regardons la fiche Jambon de Bayonne sur le site web de l’INAO, où le SEUL CRITÈRE spécifié du “mode de production”, concernant l’élevage, est celui-ci: “Porcs charcutiers engraissés avec un aliment contenant au moins 60% de céréales, issues de céréales et pois”. C’est tout de même excessivement court, pour justifier la publicité de conditions exceptionnelles… n’est-ce pas?

Mais voyez donc! Le peu de clairvoyance de la DGCCRF resplendira, mis à côté du courage, un peu plus élevé, de l’institut national de l’origine et de la qualité (INAO).

L’INAO, qui est un établissement public administratif, considère qu’en “l’absence de disposition dans le cahier des charges de l’IGP "Jambon de Bayonne", la taille des élevages n’est pas limitée et certains élevages […] ne peuvent pas être considérés comme de "petite taille". De ce fait, nous allons nous rapprocher de l’ODG [organisme de défense et de gestion “Consortium du Jambon de Bayonne”] de manière à ce que les modifications nécessaires soient apportées au site internet” [3]. La mention de “conditions d’élevage exceptionnelles”, elle, n’interpelle pas l’INAO.

Enfin, comble du courage ou débordée, la direction générale de l’alimentation (DGAL), également contactée, n’a toujours pas répondu…

Reste qu’encore aujourd’hui, alors que je finis de rédiger cet article, la publicité de “la petite taille des élevages” perdure, à la page une qualité certifiée

Bref, si le consommateur n’est pas pris pour dupe, je vous le demande, pour qui le prend-on? Et l’animal? l’animal dans tout ça?


Références

[1] Ministère de l’agriculture, Les modes officiels de valorisation des produits agroalimentaires, page 4 du PDF.

[2] Courriel en date du 7 janvier 2015 au Collectif PLEIN AIR.

[3] Courrier en date du 5 janvier 2015 au Collectif PLEIN AIR.

dimanche 11 mai 2014

La Montagne neuve de Monteyronnais - Conte


[…] il faudra faire des villes proportionnées à cette foule désœuvrée et déshéritée, qui n’aura plus rien à faire aux champs”.
EUGÈNE DELACROIX, Journal.
“La mort est depuis toujours dans l’ordre des choses; mais un peuple sans foi ne saurait se tenir debout.”
CONFUCIUS, Les Entretiens.
“Il n’est pas naturel que le but des Caillebotis soit la mort sans avoir vécu.”
COPAIN DU COCHON DE LA MERTAGNE, Paroles au coin du feu.

Les Douze Petits Cochons - Conte

Il avait fallu longtemps à Robin pour comprendre que le système de production intensive de minerai maltraitait à la chaîne des myriades d’animaux, tant de “belles” images publicitaires recouvraient de tristes réalités. Ce conte théâtral qu’il joua avec des Cailleboteux évadés, était le fruit édulcoré — pour ne choquer les plus jeunes spectateurs  de leur perception du système diabolique permis par le pédégé Truicatel, c’est-à-dire: par l’argent pris aux contribuables (obligés) et aux consommateurs (bernés). Le seul regret de Robin, avant sa mort, fut qu’on l’appelât “des Pouorcs”. Car il l’aurait voulu être des poules, des canards… de tous les animaux exploités contre leur nature. Il riait cependant. Il riait afin de ne pas pleurer. A-t-on jamais su combien la faible Médée, disant qu’elle voyait le bien, l’approuvait, et faisait nonobstant le mal par facilité, avait rendu si triste, au for de sa conscience, Robin des Pouorcs?

samedi 20 juillet 2013

Étiquetage de la viande: une information à côté de l’essentiel

Bonne nouvelle dans Le Monde: “mentionner systématiquement le mode d’élevage”, c’est ce que propose, entre autres, la sénatrice Sylvie Goy-Chavent “dans les conclusions qu’elle devait présenter, mercredi 17 juillet, au nom de la mission d’information dont elle était rapporteure”. Bref, “le Sénat incite l’Europe à mieux étiqueter la viande”.

Sauf que, dans le rapport d’information de Sylvie Goy-Chavent, on ne trouve nulle part, parmi ses 40 propositions, celle de “mentionner systématiquement le mode d’élevage”. Pas plus que dans la synthèse “destinée à faciliter la lecture et l’utilisation du rapport”.

Alors que la synthèse plaide pour “l’allègement des normes”, notamment par la mise en place d’une “procédure allégée d’enregistrement des élevages porcins jusqu’au seuil de 2.000 porcs” (proposition n° 17), les “nuisances de voisinage” sont évoquées au conditionnel: “l’élevage […] présenterait des nuisances de voisinage” (p. 5). L’ÉLEVAGE, c’est un sujet vague et noble. Cela évite de dire où, d’y aller sentir, et d’employer l’affirmatif si l’on est parvenu face à une activité d’engraissement intensif sur caillebotis, dont l’air des bâtiments n’est pas lavé avant son extraction, les fosses à lisier ne sont pas couvertes, et le lisier n’est pas épandu au plus près du sol. On nous vante les “services environnementaux considérables rendus par LES éleveurs”. DES éleveurs serait juste. Ou alors faut-il croire que l’engraissement sur caillebotis est de “l’entretien des paysages ruraux”… Pour mémoire, “90% des élevages” porcins, selon Sylvie Goy-Chavent, sont sur caillebotis, tandis qu’il est question du “bien-être” des porcs grâce à la SUPPRESSION DES CAILLEBOTIS dans un récent rapport de Marion Guillou à Stéphane Le Foll.

La dixième proposition rapportée par Sylvie Goy-Chavent, est d’“instaurer un étiquetage obligatoire de l’origine nationale pour les viandes brutes et transformées”. Mais qu’importe ce chauvinisme à l’époque où de mêmes gens plaident pour une politique européenne? il ne révélera pas les conditions d’engraissement! Ni l’indication obligatoire de “l’origine nationale de la viande servie sur les cartes des restaurants et en restauration collective scolaire” (proposition n° 26). Ni “le double étiquetage des prix” (proposition n° 28). Ni “le développement des signes de qualité et marques collectives à forte notoriété” (proposition n° 34). Ni l’aménagement de “l’étiquetage environnemental pour prendre en compte les bénéfices de l’élevage” (proposition n° 36). Car ce ne serait toujours pas “mentionner SYSTÉMATIQUEMENT le mode d'élevage”. Pourtant, serait-ce simpliste d’étiqueter “porc de caillebotis”, après qu’un porc a passé sa vie sur du caillebotis? Nenni, ce serait une simple vérité, plus vraie que toute autre indication d’origine.

Donc, telle est la question: comment des élus incitent-ils réellement l’Europe à un étiquetage obligatoire indiquant les conditions d’engraissement, quand le Sénat ne semble pas vraiment le lui proposer?




À lire à ce propos:


mardi 4 juin 2013

Pour un étiquetage de la viande et du lait qui indique les conditions d’engraissement des animaux


À la fin du vingtième et au début du vingt-et-unième siècle, sans tambour ni tremblement de terre, la “montagne” a considérablement poussé en Aveyron. [1] Tant et si bien que rebaptiser l’Aveyron Monteyron serait un aboutissement. Une “montagne” qui, lorsqu’elle serait, de manière tout à fait inconsidérée, prise en compte par un météorologue, l’amènerait à alerter de l’étonnante diminution des périodes d’enneigement, puis de l’augmentation phénoménale, aux alpages, des températures estivales…

Qu’est-ce que le mot montagne évoque au consommateur non averti? Et quel est l’esprit de la loi, sinon qu’une altitude minimale de 700 mètres, et des conditions climatiques difficiles qui raccourcissent la période de végétation; ou que plus des trois quarts du territoire classé, si pentus que la mécanisation y est impossible ou très onéreuse; ou que tout à la fois: l’altitude élevée, le climat difficile et la forte pente légitiment une aide financière beaucoup plus importante. [2]

Or comment fut-il envisagé “de capter davantage de valeur ajoutée sur la filière porcine”, en se démarquant et en s’identifiant “au territoire, grâce au “porc montagne notamment? [3] C’est-à-dire sur un banal caillebotis, au lieu du sol caussenard qui est, près la Sanguinette de Causse-et-Diège, à 375 mètres d’altitude environ, [4] sans même une pente ou un climat montagnards?

Comment Jacques Molières, président de la Chambre d’agriculture de l’Aveyron, affirme-t-il que le “label porc montagne est “encore plus restrictif” qu’une production “bio”? [5] Un label tellement exigeant qu’il se passerait de montagne sur le Causse!?

On ne peut ne pas voir dans tous ces discours, pimentés de beaux mots tels qu’agro-écologie, une incroyable confusion — qui sert qui? certainement pas les mieux-faisants qualitativement.

À tel point qu’il devient indispensable, au consommateur et contribuable, de savoir les véritables conditions d’engraissement. Si les viandes sont, notamment (et pour nous en tenir au cas du porc), d’animaux qui furent engraissés:
  • en plein air, avec une alimentation “bio”,
  • en bâtiment ouvert, sur litière, avec une alimentation “bio”,
  • en plein air, avec une alimentation non “bio” dont l’ensemble est lisiblement exposé, de même que lorsqu’ils sont:
  • enfermés sur litière,
  • enfermés sur litière et caillebotis,
  • enfermés sur caillebotis.

Peut-être sommes-nous loin de connaître toutes les conditions d’engraissement, mais toujours est-il qu’un étiquetage qui les reflète, à la fois sur le produit vendu au détail, et sur le produit composé par l’industrie agro-alimentaire, serait d’intérêt général.

Car n’est-il illusoire QUE LE CONSOMMATEUR CONTRIBUE À L’AJOUT DE VALEUR au sein des filières de la viande et du lait, au “bien-être” animal et à la préservation de l’environnement, si, lorsqu’il achète, il n’est informé de la façon dont l’animal était engraissé?

En ce sens, l’étiquetage révélant le mode d’élevage, concernant les œufs de poules, n’a pas été vain: il a été observé que la consommation d’œufs, dits “alternatifs”, a connu “une très forte croissance, notamment les œufs issus de l’agriculture biologique”. [6] Ainsi, de meilleures pratiques d’élevage ont été préférées et favorisées. Pourquoi n’en serait-il de même en ce qui concerne les productions de viande et de lait?

Puisque “d’où” vient le produit a perdu son sens, il est plus que jamais nécessaire de connaître le “comment” du produit. Là sont les plus importantes différences pour l’éleveur, l’animal, la santé, le goût, et l’environnement.


[1] Cartographie du département de l’Aveyron, sur le site web de l’association nationale des élus de la montagne (ANEM).
[2] La “zone de montagne” selon la loi, sur le site web de l’observatoire des territoires montagne, de la délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale (DATAR).
[3] Préfecture de l’Aveyron, communiqué de presse quant au conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST), du 1 mars 2013, p. 3.
[5] Le Villefranchois en date du jeudi 30 mai 2013, L’Hebdo des Cantons, dans l’article “GAEC du Cassan à Cassanus: Nutergia s’estime trompé”.
[6] Direction générale de l’institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), La consommation des ménages en 2009 - Analyse du compte définitif, novembre 2012, p. 9.



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