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dimanche 30 janvier 2022

Mégaporcherie: L’ÉTRANGE SUBVENTION À LA SURPRODUCTION (suite)

La peste porcine dite africaine, et les mises à mort «à titre préventif»¹ destinées à endiguer cette peste, en Chine, y décimèrent le cheptel. Mais des Chinois continuèrent à manger du porc, parce que la viande fut massivement importée. Et ce fut une «aubaine»² pour des producteurs en France.

Puis, afin que la production reprît en Chine, des mégaporcheries furent peuplées — notamment grâce à des porcs partis de Bretagne, «l’élite de la sélection génétique française»³, nous informait-on.

Cependant, «le cours du porc» n’ayant cessé «de grimper», cela donna «des idées à certains exploitants». Notamment à un producteur qui, quoiqu’il fût «déjà à la tête» de deux exploitations «dans les Côtes-d’Armor, d’où sortaient chaque année 36.000 cochons», fit construire «un nouveau bâtiment d’un hectare qui devrait accueillir pas moins de 7.000 porcs. Autant dire l’une des plus grandes exploitations d’Europe».

Or, avec la hausse de la production — grâce aussi à la «génétique française»³ — en Chine, fort logiquement, des Chinois ayant pu manger “leur” porc industriel, il y eut un «ralentissement (voire [un] arrêt) de la demande chinoise» de porc “français” de caillebotis. Ce qui, patatras! devait contribuer à un retour, en France, à la case SURPRODUCTION INDUSTRIELLE. Retour suivi d’un nouveau passage à la case DEMANDE DE COLLECTIVISATION DE PERTES…

Oui. Faute de quoi, bonnes gens, figurez-vous bien que, mêlé au fait qu’alimenter des myriades de porcs dans des hors-sol, ça coûte cher, ce pourrait être «l’arrêt de centaines d’élevages dans les deux ans à venir», des «élevages» dont «beaucoup» sont «familiaux» — notez bien: familial n’est pas l’antonyme d’industriel —, aussi aurions-nous rien de moins qu’un «problème de souveraineté alimentaire», si bien que, bonnes gens, il vous faudrait, il vous faut, vous devez absolument faire un autre «effort»: «acheter du porc» industriel produit en France! Encore!


Références:

¹ AFP, En Chine, la peste porcine fait s’envoler prix et importations, France 24, en date du 19 juillet 2019.

² AFP, Peste porcine: un Breton en Chine avec Emmanuel Macron pour défendre les intérêts de l’interprofessionFrance 3 Bretagneen date du 4 novembre 2019, mis à jour le 15/06/2020.

³ Bruno Van Wassenhove et Sarra Ben Cherifa, Brest: 2.000 cochons prennent l’avion pour la Chine, France 3 Bretagne, en date du 10 mars 2020, mis à jour le 2/10/2020.

 Boris Granger et Thomas Paga, Le porc breton en plein boom face à l’épidémie de peste porcine africaine, France 3 Bretagne, en date du 24 février 2020, mis à jour le 11/06/2020.

 VC avec AFP, Agriculture. Face à une “crise historique”, l’appel au secours de la filière porcine, France 3 Bretagne, en date du 26 janvier 2022.

 Aurélie Lagain, Crise porcine: les éleveurs demandent des aides directes, France Bleu Breizh Izel, en date du 26 janvier 2022.

 Sébastien Rigal, FAMILIAL n’est pas l’antonyme d’INDUSTRIEL, Causse durable, en date du 4 octobre 2013.

Et pour mémoire:

📌 L’étrange subvention à la surproduction porcine, Causse durable, en date du 15 mai 2015.

📌 Surproduction porcine: l’impôt finance LA CRISE SANS FIN, Causse durable, en date du 16 août 2015.

samedi 23 janvier 2016

La politique de la crise porcine

La “crise porcine” est un problème verbal. L’industrie porcine ne crise pas (sic). Elle surproduit; et ce, ordinairement. Cela ne marque pas une rupture avec son entreprise d’hier. Puissions-nous donner à écrire l’Histoire de la surproduction industrielle de matières animales à une truie de cage rescapée de l’abattoir, elle aurait une tonalité extrêmement misérable, en fait de “progrès” et de “conquête de marchés”. Une truie surproduit grâce à la génétique, et des truies qui surproduisent sont multipliées, tandis que le nombre d’ouvriers (qu’on appelle encore agriculteurs quoiqu’ils n’en soient pas dans les usines, y conditionnant, c’est-à-dire confinant, mutilant, médicamentant…), est réduit sans cesse grâce à l’automatisation et à la concentration de la surproduction. Le patron est satisfait: il a moins d’employés à rémunérer et plus de minerai porcin à vendre, à un prix plus concurrentiel que les usines moindres de ses concurrents. Jusqu’au jour où il perd, lorsque l’un ou l’autre de ses concurrents ont concentré davantage la surproduction d’autrui, exploité plus durement, détruit plus d’emplois d’ouvriers, et vendu moins cher du minerai porcin mieux “valorisé” par de trompeuses publicités. Tantôt l’un des patrons perd, tantôt l’autre. La plupart, ayant mis les pieds dans ce jeu d’argent, s’enfoncent dans la course au “moderne” gigantisme et ne cessent, ce faisant, de détruire des emplois, de gâcher des vies, de polluer l’environnement, tout en paraissant respecter à peu près la loi — qu’ils font largement. Cependant les contribuables sont contraints de financer des usines à gaz pour pérenniser un tel système et réduire un peu, en aval, la pollution et ses effets néfastes à la santé. Que les animaux aient une “vie” misérable dans les usines, que les ouvriers y soient usés, appauvris, ruinés, en soient privés d’emploi, tout ceci est non la crise, mais l’effet ordinaire de l’entreprise. Justement parce qu’il n’y a guère de patron qui crise vraiment (sic) et crée la rupture avec ce modèle débile, non pas de développement, mais de sous-développement. Des orateurs détournent l’attention: “C’est la faute de l’embargo russe!” Demain, n’en doutez pas, ce sera faute d’exportations destinées à la Lune!


dimanche 16 août 2015

Surproduction porcine: l’impôt finance LA CRISE SANS FIN

On ne reviendra pas ici en détail sur l’étrange subvention à la surproduction porcine qui dure depuis des années.

Sur ce, pourquoi payer plus cher la production des Caillebotis-sur-Lisier, qui demeure surabondante aux frais des contribuables? Il est juste logique qu’une COOPÉRATIVE de producteurs, la Cooperl, refuse de leur acheter le porc à moins bas prix, soit 1,40 euro le kilo de minerai — pardon, le kilo de viande de feu un vivant doué anonymement de sensibilité. Simplement parce que la Cooperl, dit-elle, n’a “pas vocation à financer un cours politique, pour tenir la tête hors de l’eau à une partie de la production française” [1]. Quoique l’impôt ait financé la Cooperl (135.000€ de-ci, 650.000€ de-là…) [2]. L’impôt sert surtout à mettre dans l’eau la tête de cette même partie de la production française. Encore que “la tête” soit un raccourci trop aimable, vu que des producteurs, moins nombreux chaque année, continuent d’aller dans le mur: c’est, pense-t-on, qu’il n’y a guère de chef pour leur éviter l’impact, et aux animaux une exploitation toujours plus industrialisée, autant dire une maltraitance qui ne fut jamais pire, quoiqu’elle s’accomplisse aujourd’hui sous le couvert de normes. Voyez donc Une “vie” de cochon.

Or quelle est la nouvelle option afin de continuer à projeter les surproducteurs contre le mur de LA CRISE SANS FIN?

L’option nouvelle, la voici. Elle est proposée par de “grands groupes de production” incitant, en Espagne, à “la transformation des installations de naissage-engraissement en sites de production de porcelets”. Entendez: des surproducteurs sont incités à se spécialiser davantage. À en croire, du moins, Antonio Tavares. Il préside le groupe de travail “viande porcine” du COPA-COGECA [3]. À ce titre, il est censé connaître de quoi il parle. Selon lui, un “élevage de 1.000 truies” naisseur-engraisseur, se spécialisant dans la production de porcelets, “peut recevoir 2.000 truies sans investissement dans le bâtiment et donc” sans avoir besoin de solliciter une autorisation d’agrandissement.

Mais qui, dès lors, engraisse les porcelets? Ceux-ci sont confiés à des agriculteurs, signant, nous dit Antonio Tavares, “des contrats d’intégration qui leur permettent d’investir dans des bâtiments.”

Et qui finance? “3.000 places d’engraissement coûtent 600.000€; LE PLAN DE DÉVELOPPEMENT RURAL permet d’espérer jusqu’à 50% de SUBVENTION, voire 60% pour les jeunes, dans les zones défavorisées”, poursuit Antonio Tavares.

Puis qu’obtenons-nous, ainsi, à la campagne? “3.000 places permettent d’engraisser 9.000 porcs/an, payés 10€/porc selon les termes du contrat”. Soit, de nouvelles usines d’animaux, où l’ouvrier y reçoit la matière animale, l’aliment, le mode d’emploi… Fichtre, quel dépérissement — en guise de développement rural — du savoir-faire AGRIcole!!

Cela n’empêche Antonio Tavares de considérer: ce “système est très simple et très efficace, il rassure les financiers. C’est sur ce modèle particulièrement rentable que l’Espagne a augmenté sa production et sa compétitivité.” [4]

Ouf! la belle affaire lorsqu’on a, grâce aux contribuables, la tête hors de l’eau! (des surproducteurs espagnols ayant, souvenons-nous, cette année encore, fortement sollicité des aides au stockage privé de la viande). Surproduire toujours plus, financé par l’impôt, revient donc à devoir exporter davantage, c’est-à-dire à aggraver au passage l’écart concurrentiel entre, par exemple, des surproductions françaises et des surproductions espagnoles.

Cela s’accomplit au nom même du libéralisme (c’est-à-dire de la LIBERTÉ d’entreprendre opposée à l’INTERVENTION de l’État), bien que soit sous-jacent l’exact contraire: la réduction de la liberté d’entreprendre (différemment au sein du processus d’accroissement de la surproduction industrielle), et la collectivisation des pertes (de marchés) et des coûts collatéraux (environnementaux, sociaux, et sanitaires).

Bref, très simplement et très efficacement, pour le profit de financiers, l’impôt finance LA CRISE SANS FIN. On n’a pas fini de nous pousser à manger du porc espagnol français industriel.


Références

[1] Le Monde, Une "table ronde" pour éviter une nouvelle crise dans la filière porcine, août 2015.

[2] Le Télégramme, Subventions. 135.000 EUR du Conseil régional pour la COOPERL Arc Atlantique, juin 2013. Et Libération, Les écologistes votent contre une subvention à la Cooperl, juillet 2010.

[3] Comité des organisations professionnelles agricoles, et comité général de la coopération agricole, au sein de l’Union européenne.

[4] PORC magazine, juillet-août 2015, n° 500, “En débat à l’assemblée générale de Prestor – Quelles perspectives pour le porc breton en Europe?”, pages 32 et 33.

vendredi 15 mai 2015

L’étrange subvention à la surproduction porcine

La surproduction industrielle de porcs de caillebotis est aidée depuis des années. Récemment, la Commission européenne a encore décidé de faire participer les contribuables — dont l’avis n’est pas demandé — à l’énième financement du stockage privé de viande de porc de l’Union européenne, «afin d’alléger la pression sur le marché» [1]. Étrange, non? Le contribuable n’est pas responsable de la surproduction; il est même, ici ou là, fermement opposé à l’accroissement de la surproduction locale de milliers de porcs; pourtant, il lui est demandé de payer pour — peut-être — remonter quelque peu le prix de la viande surabondante!

«Therefore, for the time being, the EU Commission is very cautious and sceptical about the outcomes of an APS scheme now.»
La Commission européenne, le 28 octobre 2014.

Le 28 octobre 2014, un «groupe de dialogue» à propos des viandes porcines se réunit à Bruxelles. De l’argent est demandé pour faire face, dans un contexte d’embargo russe, à une situation de «crise», et un participant suggère de réguler le marché par la destruction d’une quantité de viandes. Le représentant de la Commission européenne répond en substance qu’il n’est pas acceptable que des porcs soient produits puis détruits, [2] et, pour ce qui est d’accorder de l’argent, il rappelle que depuis 1993, l’aide au stockage privé a été mise en œuvre huit fois, la dernière en 2011, selon des critères auxquels la crise actuelle ne correspond pas. La Commission paraît donc considérer que l’aide au stockage privé n’est pas une bonne solution pour sortir de la surproduction porcine. [3]

Cette aide au stockage privé a eu, par le passé, un coût relativement élevé à cause des quantités impliquées. Quelques exemples. Entre septembre 1998 et septembre 1999, les demandes d’aide au stockage ont concerné 55.000 tonnes pour la France, et 430.000 pour l’ensemble des États membres de l’Union européenne. [4] Plus tard, entre décembre 2002 et février 2003, les demandes ont concerné 13.000 tonnes pour la France, et 111.000 pour l’Union européenne; cependant les cours du porc ont continué à chuter en Europe; nonobstant, l’aide au stockage privé a été renouvelée entre décembre 2003 et février 2004, concernant cette fois 7.980 tonnes pour la France, et 90.000 pour l’Union européenne. [5] Quant au coût de l’aide au stockage privé, en 2011, de 140.000 tonnes, il a été de soixante-trois millions d’euros. [6]

En décembre 2014, il transparaît à nouveau que l’embargo russe n’est pas responsable à lui seul de la surproduction; qu’une surproduction structurelle, dans certains États membres de l’Union européenne, est, elle aussi, responsable de la situation d’exploitants porcins. [7]

Or, patatras! il apparaît le 24 février 2015 que la Commission a cédé aux surproducteurs: le stockage privé sera à nouveau aidé «afin d’alléger la pression sur le marché». La raison invoquée est la suivante: «l’effet conjugué de l’embargo russe et de l’augmentation de la production au sein de l’Union européenne» fait chuter les prix «sur tous les marchés européens». Soit, jusque-là, rien de bien nouveau dans le discours.

La nouveauté est ici: le représentant de la Commission estime désormais, tandis que «les agriculteurs» sont dits «confrontés à de graves problèmes de liquidités», que l’aide «au stockage privé est l’outil le plus efficace dont nous disposons pour remédier à la situation difficile du marché». [8] Fini, donc, le scepticisme face à l’option de l’aide au stockage privé. Le contribuable va participer à retirer une quantité considérable de viandes du marché, dans le but incertain de faire remonter le prix de la viande de porc; il est donc imposé pour acheter à un prix peut-être un peu moins bas sa viande — si tant est qu’il veuille en manger.

Pour autant, l’embargo russe reste une justification fumeuse de l’imposition du contribuable. Souvenons-nous, d’abord. Nombre de ventes sur le marché russe, avant l’embargo, avaient été liées à «l’octroi ou non de restitutions par la Commission européenne qui [faisait] souvent suite à la mise en place d’une opération de stockage privé quelques mois auparavant.» [9] FranceAgriMer expliquait en 2013 que ces aides au stockage privé avaient servi «jusqu’à une période récente» à congeler essentiellement des tonnes de demi-carcasses. «Une majeure partie de celles-ci, au moment de leur remise sur le marché, [était] expédiée vers la Russie à l’aide de restitutions.» [10] Quant à l’avenir, la «Russie espère devenir autosuffisante en viande de porc à l’horizon 2020.» [11]

«L’embargo russe a bon dos», résume le 12 mars 2015 la Confédération Paysanne, «car apparemment d’autres marchés export ont compensé». [12] En effet, les ministères du commerce extérieur et de l’agriculture, ainsi que Business France, FranceAgriMer et des fédérations professionnelles, ont prospecté, à l’intention de producteurs français, des marchés de remplacement du marché russe. [13]

Dès le 6 mars, la Commission elle-même a reconnu «que les opérateurs ont agi pour trouver d’autres marchés à la plupart des produits». Dès lors, ce qui est mis en exergue par la Commission pour expliquer «la longue pression sur les  marges» des producteurs, ce sont les investissements importants qu’ils ont déjà réalisés «afin de répondre aux nouvelles règles européennes de protection des animaux». [14] (Nouvelles, ces règles? vraiment?!…)

Quels sont, depuis le 9 mars 2015, les États d’où ont émané le plus de demandes d’aide au stockage privé? Ce sont le Danemark, l’Espagne, l’Allemagne, la Pologne, l’Italie, les Pays-Bas, puis la France, comme le figure le graphique ci-dessous. [15]


Il ne semble pas y avoir de limite maximale à l’aide des contribuables, alors qu’il y en a une minimale: un lot de stockage doit peser «au moins 10 tonnes pour la viande désossée et au moins 15 tonnes pour la viande avec os»; la «quantité minimale recommandée au titre d’une journée» d’opération de congélation étant fixée à 1,5 tonnes pour la viande désossée, et à 2 tonnes pour la viande avec os. [16] Autrement dit, l’aide, dont le montant varie entre 210 et 305€ par tonne selon la catégorie de produits et la durée du stockage, [17] paraît bénéficier aux plus grands surproducteurs porcins. Elle coûtera donc cette fois, selon les chiffres dont on dispose à l’heure où j’écris ces lignes, plus de dix-sept millions d’euros. [18]

Et ce quoique le 24 mars 2015, l’Eurogroup for Animals, CIWF, PROVIEH, le BEE et l’EPHA, aient écrit au commissaire européen à l’agriculture Phil Hogan, pour lui demander la cessation de l’aide au stockage privé, jugeant inacceptable que l’impôt serve à cela. «Le secteur porcin sait qu’il prend un risque commercial quand il surproduit, aussi l’argent public ne doit-il pas être utilisé pour l’aider quand il rencontre des difficultés [19]

Mais l’aide est maintenue. Et pensez-vous que les surproducteurs porcins en soient satisfaits? Non, à en croire la réaction du COPA-COGECA [20], qui regrette que la graisse, notamment, ne soit pas concernée par l’aide au stockage et redemande une subvention, le 14 avril 2015, pour sa transformation en combustible. [21]

Or, bien qu’elle soit jugée insuffisante, l’aide du contribuable est d’autant plus regrettable que beaucoup de producteurs intensifs, depuis 12 ans, ne respectent pas la législation pour le bien-être animal. «Il semble qu’au moins 90% des porcs de l’Union européenne aient la queue coupée malgré l’interdiction de la section routinière des queues. Qu’au moins 80% des porcs de l’Union européenne n’aient pas accès à des matériaux d’enrichissement suffisants» dans leur case, tels que de la paille, du foin, &c. «Les enquêtes de CIWF et de nombreuses photographies faites, par nos partenaires, dans différents pays membres de l’Union européenne, suggèrent que ces chiffres, vraisemblablement, sont encore plus élevés.» [22]

Et dire qu’en 2010, le directeur de la législation agricole, à la Commission européenne, considérait que c’était «une obligation» de fournir aux porcs «un certain nombre de produits consommables ou renouvelables»! Cela faisait, assurait-il, «l’objet de contrôles par les services vétérinaires lors de leurs inspections»! Aussi justifiait-il que le «relèvement du plafond de l’aide relative aux installations porcines ne [pourrait] que contribuer à un meilleur respect de la réglementation»[23]

Ce n’est donc pas faute d’argent public consacré, en France, à la «mise aux normes» des exploitations hors-sol. Ainsi, le «plan de modernisation des bâtiments d’élevage» a concerné depuis 2008 les hors-sol et visé entre autres, nous avait-on dit, «à favoriser l’introduction […] de pratiques d’élevage plus respectueuses du bien-être et de l’hygiène des animaux ainsi que de l’environnement». [24] Une aideparmi d’autres déjà évoquées [25] — ayant pu être majorée en «zone de montagne» [26] (qu’on sait pouvoir n’être pas vraiment située à la montagne). Entre autres subventions, on remarquera également les vingt-cinq millions d’euros réservés, pour 2012, à la «mise aux normes» concernant les truies gestantes: la production porcine obtenait, paraissait-il, «plus de la moitié du budget des plans stratégiques multifilières». [27]

Alors, tandis que l’État n’a eu de cesse d’autoriser l’accroissement de mégaporcheries, rendant ainsi plus difficile l’adaptation de l’offre à “la demande” (si tant est que l’industriel réponde à une demande, et que le chaland ne soit conçu qu’afin d’absorber l’offre); tandis que de l’argent public a été sollicité pour promouvoir [28] du produit de mégaporcheries, vendu sous un enjoliveur d’homogénéité industrielle et de vague origine; une question se pose: à combien monterait la subvention à la surproduction porcine quand, grâce à un traité de libre-échange transatlantique, [29] il proviendrait d’Amérique du Nord à peu près autant de viande de porc que ce qui, actuellement, est stocké aux frais du contribuable?


RÉFÉRENCES

[1] Commission européenne, Commission launches Private Storage Aid for pigmeat to stimulate EU pig market recovery, en date du 24 février 2015.

[2] Communication personnelle d’Anne Vonesch, qui venait de participer à la réunion.

[3] Compte-rendu officiel, Minutes of the Civil Dialogue Group on Animal Products Sector “Pig Meat” le 28 octobre 2014 à Bruxelles. On peut notamment lire: «Therefore, for the time being, the EU Commission is very cautious and sceptical about the outcomes of an APS scheme now.»

[4] Ministère de l’agriculture et de la pêche, direction des affaires financières et de la logistique, SDAB/BECPA, La viande porcine, mise à jour en date de février 2006, page 6.

[5] Idem, page 7.

[6] Communication personnelle d’Anne Vonesch, quant à la réunion du «groupe de dialogue civil» réuni à Bruxelles le 14 avril 2015.

[7] The Pig Site, Overproduction Partly to Blame for EU Pig Market Problems, en date du 19 décembre 2014. On peut notamment lire: «The Commission noted that in addition to the Russian embargo, the overproduction in some member states is also responsible of this situation.»

[8] Cf. note 1.

[9] FranceAgriMer (établissement national des produits de l’agriculture et de la mer), «Le commerce international de la viande de porc – L’Asie, moteur de la croissance?», Les synthèses de FranceAgriMer, février 2003, n° 17, élevage/viandes, page 6.

[10] Ibidem.

[11] Idem, page 10.

[12] Lettre ouverte à l’attention de M. Stéphane Le Foll, Ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, de Laurent Leray, secrétaire national en charge du pôle élevage, et Pierre Brosseau, responsable de la commission nationale porc, en date du 12 mars 2015.

[13] Réponse écrite à la question écrite du député Guillaume Chevrollier à la ministre du commerce extérieur, «sur l’embargo russe portant sur la viande porcine», publiées en date du 18 mars 2015.

[14] Commission européenne, Commission opens private storage aid for pigmeat, en date du 6 mars 2015.

[15] Commission européenne, Private storage for pigmeat 2015, Requests for private storage aid, contrats conclus, données cumulées au 30 avril 2015, préliminaires, en date du 13 mai 2015.

[16] FranceAgriMer, Cahier des charges relatif au stockage privé de viande porcine – Campagne 2015, en date du 6 mars 2015, pages 3 et 7.

[17] Commission européenne, Règlement d’exécution (UE) 2015/360 de la commission du 5 mars 2015 ouvrant une mesure de stockage privé pour la viande de porc et fixant à l’avance le montant de l’aide, page 4.

[18] Cf. note 15.

[19] Lettre au commissaire européen à l’agriculture Phil Hogan, de Philip Lymbery (CIWF), Jeremy Wates (BEE), Reineke Hameleers (Eurogroup for Animals), Nina Renshaw (EPHA), Sabine Ohm (PROVIEH), Opposition to financial support for pig sector, en date du 24 mars 2015, page 1.

[20] Comité des organisations professionnelles agricoles, et comité général de la coopération agricole, au sein de l’Union européenne.

[21] Communication personnelle d’Anne Vonesch, quant à la réunion du «groupe de dialogue civil» réuni à Bruxelles le 14 avril 2015.

[22] Cf. note 19, ibidem.

[23] Commission européenne, direction générale de l’agriculture et du développement rural, lettre du directeur de la législation agricole au secrétaire national de la fédération française des associations de protection de la nature et de l’environnement en charge des questions agricoles, en date du 11 novembre 2010.

[24] Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, Le plan de modernisation des bâtiments d’élevage, présentation en date du 23 novembre 2009.

[25] Cf. la lettre d’information des familles associées de Causse durable, sous le sous-titre «Une filière porcine qui n’est pas moins aidée par les contribuables». Il nous a semblé que ces aides n’étaient pas ignorées de producteurs porcins.

[26] Ministère de l’agriculture et de la pêche, Le plan de modernisation des bâtiments d’élevage, présentation non datée, page 1: «Ces taux peuvent être majorés de 10% pour des projets portés par de jeunes agriculteurs et pour des projets en zone de montagne. Le montant plafond des investissements éligibles est fixé à 90.000€ en zone de plaine pour la construction neuve, montant porté à 100.000€ en zone de montagne. Pour les projets de rénovation, ces seuils sont fixés respectivement à 60.000€ et 70.000€.»

[27] Agri49, Urgent: dépôt des dossiers mises aux normes «truies gestantes», en date du 24 avril 2012.

[28] Voir par exemple l’Évaluation à mi-parcours du PDRH, page 88 (19 du format PDF): «Bilans spécifiques de la mesure 133 en provenance des régions»: «Aquitaine (31/08/2010): 22 projets de promotion ont été introduits, dont 17 concernent l’agriculture biologique (dont 3 vins bio), les autres concernent les IGP (Jambon de Bayonne et Foie gras du Sud Ouest) et AOC (Noix du Périgord et Piment d’Espelette) pour un montant engagé éligible d’environ 1,3M d’€ et de 446.500€ de FEADER.»

[29] À lire concernant ce traité, l’excellent article d’Hélène O’Donnell: Le TAFTA, les animaux et moi.


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jeudi 11 avril 2013

La lettre d'information des familles associées - 1


Les Caussenards vont à la montagne lorsqu’ils descendent à Capdenac-Gare

Vous l’ignoriez peut-être, mais Capdenac-Gare, Villefranche-de-Rouergue, &c., sont des communes classées “montagne”. Sur le site web de l’association nationale des élus de montagne (ANEM), Naussac figure bizarrement à 961 mètres d’altitude…

Les porcs, enfermés dans les salles d’engraissement intensif de la Sanguinette, eux, ne sont pas des montagnards. Du moins pas encore. Car
Mayran, la commune à laquelle est rattaché le hameau du Cassan, où naissent les porcelets, est certes classée “montagne”, mais d’ici à ce que l’administration considère qu’on est un porc de montagne administrative, après qu’on est né sur une montagne administrative, puis descendu en camion à la Sanguinette et renfermé, il resterait à sauter le pas…


Une problématique pour la CLIS

La préfecture a annoncé, le 1er mars, la mise en place d’une commission locale d’information et de surveillance (CLIS), concernant les activités d’engraissement intensif de porcs sur caillebotis total à la Sanguinette, et d’épandage du lisier à l’entour. Cette CLIS aura, nous semble-t-il, deux problèmes urgents à résoudre: 1) le risque de pollution de l’eau par une infiltration et un transfert rapides du lisier, et 2) la puanteur que ressentent la plupart des riverains.

Le risque de pollution de l’eau

Lors de l’enquête publique, des anciens ont témoigné que des cours superficiels furent fortement pollués par de mauvaises pratiques de stockage et d’épandage, sur le Causse, du lisier produit à la Sanguinette: via des cours souterrains méconnus, la source de Sautilles, qui est aux Cabanes près Gelles; et la source de la Viguerie.

Il serait donc utile de connaître et d’écrire, afin de nous en souvenir, l’état actuel de l’eau, et (l’analyse de l’eau n’étant qu’une mesure ponctuelle, ainsi aléatoire), l’état de la faune et de la flore aux sources susceptibles d’être polluées (afin de révéler une tendance). D’établir ensuite une méthode de contrôle. La CLIS en aura-t-elle la compétence et le moyen financier?


La puanteur

Le logement des porcs sur litière (outre qu’il procurerait une amélioration sensible du “bien-être” des animaux), ainsi que le lavage de l’air avant qu’il soit extrait des bâtiments, soit deux techniques inutilisées à la Sanguinette, permettraient de réduire notablement les émissions d’ammoniac, les odeurs et les poussières venant des bâtiments d’engraissement. [1]

Par ailleurs, le préfet a considéré
“que l’exploitant doit mettre en œuvre […] les Meilleures Techniques Disponibles pour […] le stockage des effluents”. [2] Ces meilleures techniques (MTD) sont référencées et consistent notamment en une couverture du stock d’effluents. [3] Le Guide des bonnes pratiques environnementales d’élevage expose des possibilités. [4] Mais le GAEC du Cassan ne couvre pas plus qu’il n’a projeté de couvrir son stock de lisier (dans les grandes fosses 1 et 2, de 1.520.000 litres pour l’actuelle, et de 400.000 ou 350.000 litres pour celle projetée).

Passé le temps du stockage, la MTD au moment de l’épandage consiste au moins à utiliser, en herbage ou en culture, une tonne à lisier qui soit munie d’une rampe avec des tubes flexibles traînés, dits
pendillards. Or, l’utilisation de ce système est demeurée une éventualité, sans qu’il fût donné à comprendre pourquoi, au moins, l’utilisation du pendillard ne pourrait devenir un engagement, par respect des riverains. Une moindre volatilisation, une moindre puanteur, un meilleur dosage et une meilleure répartition: le pendillard aurait pourtant beaucoup d’avantages. [5]


Une filière porcine qui n’est pas moins aidée par les contribuables

Différentes subventions sont possibles, grâce au plan de modernisation des bâtiments d’élevage, au plan de performance énergétique des exploitations agricoles, à FranceAgriMer en ce qui concerne les investissements pour l’amélioration des pratiques d’élevage… Il apparaît que le taux d’aide est nettement plus important en zone de “montagne”.

Concernant l’échéance, au 1er janvier 2013, du
“changement du mode de détention des truies gestantes”, un “dispositif d’accompagnement financier a été mis en place par l’État à partir de 2008, avec une enveloppe de 60 M€. L’aide est de 20 % des investissements éligibles avec des plafonds majorés en zone de montagne et pour les jeunes agriculteurs. Revalorisée en 2010, cette aide a vu ses plafonds relevés de 100 € à 200 € par place de truie gestante et de 15.000 € à 50.000 € par élevage”. [6]

En outre, Porc Montagne, au sein de l’Alliance Porci d’Oc à laquelle coopère le GAEC du Cassan, a bénéficié
“d’une aide de 100.000 € du Conseil général pour l’agrandissement de son atelier de découpe”. [7]

Nous ne prétendons pas que cette liste soit exhaustive.



[1] Institut de l’élevage, IFIP, ITAVI, Guide des bonnes pratiques environnementales d’élevage - Porcs - Bovins - Volailles, p. 145 et suivantes.
[2] Arrêté n° 2013-073-0007 du 14 mars 2013, p. 3, avant-dernière considération.
[3] Commission européenne et ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de la Mer, traduction française du Document de référence sur les meilleures techniques disponibles - Élevage intensif de volailles et de porcins, juillet 2003, p. 21 de la pagination du format PDF.
[4] Institut de l’élevage, IFIP, ITAVI, Guide des bonnes pratiques environnementales d’élevage - Porcs - Bovins - Volailles, stockage des effluents liquides, p. 237 et suivantes; couverture, p. 241 et suivantes.
[5] Commission européenne et ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de la Mer, traduction française du Document de référence sur les meilleures techniques disponibles - Élevage intensif de volailles et de porcins, juillet 2003, p. 25 de la pagination du format PDF, tableau 3: MTD en ce qui concerne le matériel d’épandage au sol pour le lisier de porc. Et la fiche Choisir son matériel d’épandage d’engrais organiques, diffusée par la Chambre d’agriculture du Nord-Pas de Calais.
[6] Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, Jean-Baptiste Danel, Pierre Fouillade, Muriel Guillet, Jean-Marie Travers, rapport Quel avenir pour la filière porcine française?, janvier 2012, p. 15, § 1.
[7] L’Aveyron - Magazine du Conseil général, n° 142, octobre 2009, “Porc Montagne investit dans la découpe”, p. 9.